Singularité 1

L’amour, la mer et l’écriture (dans un ordre indistinct) qui ne sont probablement pas des figures équipotentes pour tout un chacun, me paraissent à moi, depuis l’âge d’homme, les seules choses sérieuses au monde.


Ainsi, sans désemparer, je navigue, j'aime et j'écris.


Mon nouveau roman : "Minuit sans mots"

 « Minuit sans mots », mon dernier roman, a été apprécié par les comités de lecture des plus grandes maisons d’édition françaises dont Grasset, Flammarion, Gallimard, Albin Michel, Fayard, Acte Sud, XO etc.
À partir du 8 novembre 2023 à 12 h (UTC), il sera disponible sur ma page personnelle:  https://www.lulu.com/fr/spotlight/christophesims

Noël approche, vous pouvez bien sûr vous offrir « Minuit sans mots » mais il constituera aussi un excellent et original cadeau de Noël.


 

Singularité 2

Jusqu'à il y a une dizaine d'années, acheter un livre relevait du pari pour le lecteur puisque, par définition, il ne pouvait savoir ce que le livre contenait qu’une fois qu’il l’avait lu.
Par la proximité qu'elles offrent entre le lecteur et l'auteur, les évolutions technologiques récentes constituent de ce point de vue une avancée sans équivalent depuis plus de 6 siècles.

Le lecteur peut dans un premier temps découvrir les éléments du travail de l'auteur avant même de s'engager dans l'achat du livre, en en parcourant les aperçus mis en ligne.


Amitié et littérature : la très belle lettre d'Albert Camus à René Char

[Paris] 26 octobre 1951


Mon cher René,


Je suppose que vous avez maintenant reçu L'Homme révolté. La sortie en a été un peu retardée par des embarras d'imprimerie. Naturellement, je réserve pour votre retour un autre exemplaire, qui sera le bon. Bien avant que le livre soit sorti, les pages sur Lautréamont, parues dans les Cahiers du Sud, ont suscité une réaction particulièrement sotte et naïve, et qui se voulait méchante de Breton. Décidément, il n'en finira jamais avec le collège. J'ai répondu, sur un autre ton, et seulement parce que les affirmations gratuites de Breton risquaient de faire passer le livre pour ce qu'il n'était pas. Ceci pour vous tenir au courant de l'actualité bien parisienne, toujours aussi frivole et lassante, comme vous le voyez.

Je le ressens de plus en plus, malheureusement. D'avoir expulsé ce livre m'a laissé tout vide, et dans un curieux état de dépression « aérienne ». Et puis une certaine solitude... Mais ce n'est pas à vous que je peux apprendre cela. J'ai beaucoup pensé à notre dernière conversation, à vous, à mon désir de vous aider. Mais il y a en vous de quoi soulever le monde. Simplement, vous recherchez, nous recherchons le point d'appui. Vous savez du moins que vous n'êtes pas seul dans cette recherche. Ce que vous savez peut-être mal c'est à quel point vous êtes un besoin pour ceux qui vous aiment et, qui sans vous, ne vaudraient plus grand chose. Je parle d'abord pour moi qui ne me suis jamais résigné à voir la vie perdre de son sens, et de son sang. A vrai dire, c'est le seul visage que j'aie jamais connu à la souffrance. On parle de la douleur de vivre. Mais ce n'est pas vrai, c'est la douleur de ne pas vivre qu'il faut dire. Et comment vivre dans ce monde d'ombres ? Sans vous, sans deux ou trois êtres que je respecte et chéris, une épaisseur manquerait définitivement aux choses.

Peut-être ne vous ai-je pas assez dit cela, mais ce n'est pas au moment où je vous sens un peu désemparé que je veux manquer à vous le dire. Il y a si peu d'occasions d'amitié vraie aujourd'hui que les hommes en sont devenus trop pudiques, parfois. Et puis chacun estime l'autre plus fort qu'il n'est, notre force est ailleurs, dans la fidélité. C'est dire qu'elle est aussi dans nos amis et qu'elle nous manque en partie s'ils viennent à nous manquer. C'est pourquoi aussi, mon cher René, vous ne devez pas douter de vous, ni de votre œuvre incomparable : ce serait douter de nous aussi et de tout ce qui nous élève. Cette lutte qui n'en finit plus, cet équilibre harassant (et à quel point j'en sens parfois l'épuisement !) nous unissent, quelques-uns, aujourd'hui. La pire chose après tout serait de mourir seul, et plein de mépris. Et tout ce que vous êtes, ou faites, se trouve au-delà du mépris.

Revenez bien vite, en tous cas. Je vous envie l'automne de Lagnes, et la Sorgue, et la terre des Atrides. L'hiver est déjà là et le ciel de Paris a déjà sa gueule de cancer. Faites provisions de soleil et partagez avec nous.

Très affectueusement à vous


A.C.

Amitiés aux Mathieu, aux Roux, à tous.



Lire ou Jouir, il faut choisir 






Cette session de jeunes femmes qui lisent tandis qu'un vibromasseur en action dans leur bonbonnière les mène à l'orgasme montre qu'il n'est manifestement pas possible de lire en en subissant les sensations. Comme quoi la lecture doit vraiment être un plaisir.

Les cognitivistes ont en effet démontré que si deux d'objets produisent le même résultat, c'est qu'ils appartiennent à la même classe. Risquerais-je le sophisme : si le jouir exclut le lire, c'est que le jouir et le lire renvoient à la même catégorie; ici, celle du ravissement.

Le jouir exclut le lire apparemment; mais la réciproque est-elle vraie? Lire peut-il mener à la jouissance? En d'autres termes: et si ça marchait sans vibromasseur, simplement avec le (fort) pouvoir évocateur des mots? Je parie que oui;

Ça tombe bien: c'est le thème de mon dernier livre, "L'immarcessible Fugacité de l'Etreinte" (LIFE), en recherche d'éditeur.





Portrait à lire dans le Petit Journal

Un pays tourné vers la mer.  C´est une des caractéristiques du Portugal qui a attiré Christophe Sims. Enseignant en Bretagne il décide en 2008 de s´installer à Lisbonne, Commence un parcours d´intégration professionnelle qui se heurte à la lourdeur du fonctionnement des services publics. Cependant sa " nécessité de voyage " fait qu´il se considère tout à la fois un écrivain et un marin comme il nous l´explique lors d´un entretien


(Photo : M.J. Sobral)
Lepetitjournal.com/Lisbonne : 
Pourquoi être venu au Portugal et quelle est votre  appréciation, à l'heure actuelle, de votre séjour ? 

Christophe Sims : Mes premiers séjours au Portugal remontent à la fin des années 70. Après plus de 7 ans à faire la navette entre la Bretagne et Lisbonne, je me suis installé à temps complet ici depuis 2008. Exactement au début de la crise. Ça n'a peut-être pas été très malin.


Pourquoi le Portugal? J'ai du mal à en parler de manière raisonnable.Ce qui m'y a attiré et m'y lie serait plutôt de l'ordre de la passion, avec une pointe de sens de "apaixonado".


J'évoquerais dans le désordre:
 - La mer, d'abord, magnifique! L'océan immédiat, dans toute sa puissance et son immensité. Pour un amoureux de voile et de voiliers comme moi, c'est une évidence. 
 - J'apprécie aussi dans ce pays une certaine simplicité de vivre et la gentillesse légendaire des Portugais. Je suis très reconnaissant à mes amis portugais pour la qualité, la spontanéité et la chaleur de l'accueil qu'ils m'ont réservé alors que je ne parlais pas un mot de leur langue.
- Le pays me semble doux, calme, plus doux et calme que son voisin espagnol, par exemple, moins acide que la France, moins violent que les USA.- Le chant des fadistas, qui m'impressionne toujours autant.- Pour un gars du nord comme moi, les paysages du sud, la lumière, le soleil et les températures. La mer est (très) froide, certes, mais en général je me contente d'aller dessus, pas dedans!Ce que je sais, c'est que j'ai éprouvé un sentiment assez fort de retour quand je suis arrivé ici. C'est le thème de "Maria" un des livres que j´ai écrit.  

Pouvez-vous nous parlez de votre trajet professionnel au Portugal ? En particulier de votre expérience dans une structure d´enseignement portugaise, ce n´est pas très commun…

Comment raconter les choses sans leur donner irrémédiablement les tristes couleurs de la déception? 


Persistantes Senteurs

Publié sur Sympoésieum (revue de poésie en ligne)


Persistantes senteurs de corps chauffés à blanc
Chevelures haletantes, lèvres où tu plantes les dents
Pénombre sur les yeux avec l’heure qui avance
Les grands arbres soudain ont suspendu leur danse
Le vent s’enfuit déjà avec la marée basse
Il rebrousse le courant et referme la passe
Où émergent un à un les bancs de sable blanc
Il y a le temps qu’il fait et puis le temps qui passe
Il coule sans remord dans nos mains qui s’enlacent
Etais-je encore vivant, suis-je déjà mort ?
Est-ce que je dis vrai si je dis « je dors » ?
Je cherche dans les signes les signes de ta présence
Mais ne tombe sous mes yeux que la poussière d’absence
Faut-il croire le miroir qui renvoie au passé
Un instant murmuré un instant effacé
Prisonniers de nos sens, affolés par le sang
Le temps nous accable d’une infinie patience
Nous avons cru pouvoir le tromper un instant
Mais il n’est rien de vrai et pas grand-chose de sûr
J’ai bien vu sur la grève les traces de nos chaussures
Elles avancent à rebours et se noient dans l’espoir
De la vague qui meurt de la mer qui avance
Plus rien n’est certain plus rien ne tient la route
Et tout ce que je crois vient confirmer mes doutes
Il y a des heures trop pleines qui sont toujours trop brèves
Je n’en suis pas si sûr, mais il se peut quand même
Qu’en croyant me croiser, tu ne croisais qu’un rêve
Ephémère miroir de ton regard perdu
Tu croyais bien me voir mais j’avais disparu
Aspiré par le temps comme dans un escalier
Que j’aurai descendu qui m’aurait avalé
Je suis là-bas tout au fond il n’y a plus rien à voir
C’est une incertitude qui me taraude sans trêve
Crois-moi si je t’écris que je ne suis qu’un rêve
(– ne le crois pas, ne le crois pas !-)

Il y a les mots et la littérature
les bateaux, les poèmes avec leurs ratures
il y a les oiseaux, la mer, les arbres et la nature
j’étais là, avec toi, mais n’en suis pas si sûr
il vaut mieux, à tout prendre, au petit jour qui pointe
en cette heure incertaine où le soleil se lève
respirer un grand coup, poser les mains à plat
préparer du café, se faire un chocolat
et se dire au passage, que ce n’était qu’un rêve